Dans les années 1930, des bruits étouffés finissent par parvenir aux oreilles des plus hautes sphères décisionnelles des Etats-Unis, et tout particulièrement à celles de l’état-major de l’U.S. Army : les Soviétiques seraient en train de mener des recherches théoriques à un niveau d’abstraction encore jamais atteint dans la sphère de la stratégie et de la tactique.
En ce glacial samedi 6 janvier 1945, Churchill et Eisenhower – commandant les armées alliées en Europe – sont accablés : voilà un mois que les Alliés ne progressent plus. Ils demandent d’urgence à Staline de soulager le front Ouest. Ils ne pouvaient pas mieux tomber : l’Armée rouge préparait précisément le coup de bélier qui doit repousser Hitler jusqu’aux portes mêmes de Berlin. Staline accélère le chronomètre : en 48 heures, sept cents kilomètres de front s’embrasent à l’Est.
Aux toutes premières heures de 1945, l’empire nazi s’étend, du sud au nord, sur 3000 km, des Apennins italiens à l’océan Arctique. D’ouest en est, il est beaucoup plus effilé : 800 km séparent la pointe occidentale de l’Armée rouge, en Hongrie, de la pointe alliée en Alsace ; mais l’Europe d’Hitler s’étend encore sur 1,5 million de km2, sur quinze pays du début du XXIe siècle, et ses portes sont défendues par l’armée la plus expérimentée au monde.
De 1939 à 1941, la vaste Pologne du traité de Versailles est vaincue puis occupée par son ex-partenaire géopolitique allemand. Le Reich débite le pays en tranches et leur affecte chacune un rôle prédéfini par un plan établi selon des théories qui englobent l’extermination des Polonais. Les deux briques les plus importantes de l’ex-Pologne sont le Gau du Wartheland et le Gouvernement général des Territoires polonais occupés, qui vont servir à répétition de zones de meurtre de masse.
En 1941, Hermann Göring, grand ordonnanceur du pillage économique nazi, jette au ministre des Affaires étrangères italien : « Cette année, en Russie, vingt à trente millions de gens mourront de faim ». Pourquoi ? Derrière sa position de chef de la Luftwaffe, l’homme est aussi ministre du Plan quadriennal, entrepreneur métallurgique et parrain de l’agriculture du Reich. Il tire ses mantras d’un lexique : économie sociale, théorie de l’optimum géographique… Qu’est-ce que cela signifie ?
L’histoire de la frontière entre les deux nations slaves que sont la Pologne et la Russie est mouvementée et, à l’heure où les forces d’Hitler et des ses alliés attaquent l’armée rouge et l’Union Soviétique le 22 juin 1941, son acte ultime n’est toujours pas écrit.