Schwarzer Todla mort noire »)

Iliouchine 2 Chtourmovik, les démolisseurs volants

 

Première partie : L'étincelle de Guadalajara

 

« Lorsque la préparation d’artillerie cessa, nous pensions pouvoir nous réorganiser pour accueillir l’infanterie et les chars russes, mais les avions d’appui apparus dans le ciel ne nous laissèrent pas un instant pour agir ; ils nous contraignirent à abandonner tout notre matériel et à chercher le salut dans la fuite. Les Chtourmoviks étaient en permanence sur nos têtes. C’était infernal… ».

                                                                                                                                         

-        Un officier allemand fait prisonnier pendant l’opération IASSY-KICHINIOV, août 1944, cité par Oleg Rastrenine, Il-2 Chtourmovik, le tank volant d’Iliouchine, Le Fana de l’Aviation hors-série, décembre 2015

 

 

« Le 28 juin 1944, dans le secteur de Kopys, au sud-ouest d’Orcha, une formation de vingt-huit Chtourmoviks a, en un seul raid, détruit près de quatre-vingts véhicules […], tuant près de deux cents soldats et faisant trois cents blessés […] Je l’ai vu de mes propres yeux… Le 5 juillet, à 5 kilomètres au sud de Minsk, j’ai eu à subir un nouvel assaut […]. La concentration de troupes et de véhicules dans laquelle je me trouvais a subi un bombardement de trois heures. Les pertes ont été énormes, 20 % des forces allemandes du secteur ont été anéanties […], plusieurs pièces d’artillerie détruites, plus d’un millier de morts et de blessés ».

 

- Capitaine Kaufmann, 206e division d’infanterie allemande, capturé pendant l’opération BAGRATION, cité par Dimitri Khazanov, Opération Bagration, été 1944, l’Armée rouge se rue vers le Niémen, Le Fana de l’aviation, juillet 2015

 

 

« J’ai quatre-vingt-quatre vols de guerre, et chacun a été marqué par la bataille. Avec les Chtourmoviks, nous avions les mains dans le sang jusqu’au coude. C’est qu’on ratait rarement notre coup. J’ai vu comment, après notre passage, des trains entiers brûlaient : du matériel, de l’essence et des lubrifiants, du ravitaillement, du personnel vivant… […] On laissait, après notre passage, une bouillie sanglante, ça fait peur rien que d’y penser… Mais c’était notre devoir. J’estime que nous l’avons rempli. Nous avons fait tout ce que nous pouvions. Quant aux croix, le Seigneur ne nous en a pas privés ».

                                                                                                                                                                     

-        Youri Khoukhrikov, vétéran du 566e régiment d’assaut, cité par Oleg Rastrenine, Il-2 Chtourmovik , le tank volant d’Iliouchine, Fana de l’aviation hors-série, décembre 2015

 

 

« Le Chtourmovik est aussi nécessaire à l’Armée rouge que l’air et le pain. J’exige que vous produisiez plus d’Il-2. Je vous avertis pour la dernière fois ».

 

- Télégramme de Staline à l’usine Numéro 18 de Kouïbychev, 23 décembre 1941

 

 

 

7 janvier 1944. La gare de Chepetovka, sur l’une des deux artères ferroviaires qui nourrissent la 4e Panzer-Armee en Ukraine occidentale, est recouverte de neige gelée. Par plusieurs degrés en-dessous de zéro, les cinq voies de chemins de fer parallèles sont lourdement encombrées par les locomotives et par les centaines de wagons de pas moins de quatorze trains de marchandises, tous à l’arrêt – dont des trains de carburant et de munitions. Deux semaines plus tôt, à quelques dizaines de kilomètres de là, le front s’est embrasé lorsque le général Nikolaï Vatoutine, héros de la défense de Leningrad du temps de l’opération BARBAROSSA en 1941, y a lancé son 1er Front d’Ukraine dans l’opération offensive JITOMIR-BERDITCHEV [1].

 

C’est le moment que choisissent sept avions d’assaut soviétiques Iliouchine 2 Chtourmovik pour surgir de l’horizon à la vitesse de 100 mètres par seconde pour foudroyer la gare d’un déluge d’obus de canon, de roquettes et de tonnes de bombes. Sur les voies, trois wagons remplis de munitions explosent dans un tonnerre assourdissant. Le souffle de l’explosion bouscule les autres wagons, ravage les cinq voies de chemin de fer, souffle plusieurs bâtiments - dont le bâtiment-atelier de réparation du matériel roulant. Trois heures et demie durant, toute la gare est dévorée par les incendies et les explosions. Lorsque le brasier finira par être maîtrisé et que l’épaisse fumée commencera à se dissiper, l’occupant découvrira qu’à l’emplacement de la première explosion, le sol n’est plus qu’un énorme cratère. Les quatorze trains qui emplissaient la gare quelques heures plus tôt ont cessé d’exister. Il faudra un mois aux Allemands pour remettre la gare en service. Lorsque les frontoviks de Vatoutine s’en empareront, seules deux voies de chemin de fer sur cinq auront été remises en service, et les soldats soviétiques découvriront des ruines encombrées de débris noircis, d’épaves de véhicules renversées, calcinées, et de cadavres de chevaux décomposés.

 

L’Iliouchine Il-2 Chtourmovik, l’avion d’assaut du constructeur Sergueï Iliouchine, n’usurpe pas ses surnoms. Les soldats d’Hitler l’appellent Schwarzer Tod, la « mort noire ». Les soviétiques, le « tank volant ». Staline avait vu juste lorsque, deux années plus tôt, il a tonné : « J’exige que vous produisiez plus d’Il-2. Je vous avertis pour la dernière fois ». Ses vœux seront exaucés : l’Il-2 sera l’avion le plus fabriqué de toute l’histoire de l’aviation [2].

 

Mais qu’est-ce que ce diable de Chtourmovik ?

 

Voici son histoire.

 

 

Prélude : l’orage de Guadalajara ou l’aube du Chtourmovik

 

Elle commence… sous les cieux espagnols, plus exactement au mois de mars 1937. La jeune république espagnole est alors ravagée, depuis l’été 1936, par une guerre civile impitoyable [3]. Le carnage oppose, d’un côté, socialistes, communistes et anarchistes loyaux au gouvernement de gauche légalement élu et, de l’autre, rebelles conservateurs, monarchistes et fascistes menés par le général Francisco Franco. La guerre s’est internationalisée dès son éclatement, les rebelles franquistes étant soutenus militairement par l’Allemagne nazie à laquelle s’est jointe l’Italie fasciste, et les loyalistes étant soutenus par l’Union soviétique mais aussi par les dizaines de milliers de volontaires des Brigades internationales venus d’une cinquantaine de pays, au premier plan desquels des Français, des Allemands, des Autrichiens, des Italiens, des Soviétiques, des Polonais et des Américains. Chars, artillerie, aviation, tous les ingrédients de la guerre moderne sont mobilisés.

 

En cette fin de premier hiver de guerre, noyée dans la neige fondue et dans le brouillard, chacun des deux camps aux prises contrôle grosso modo la moitié du territoire du pays. La partie loyaliste républicaine et la partie nationaliste rebelle sont séparées par un front qui serpente à travers l’Espagne - le territoire toujours contrôlé par les républicains étant lui-même scindé en deux parties séparées géographiquement l’une de l’autre. La capitale du pays, Madrid, peuplée de plus d’un million d’habitants massivement fidèles au gouvernement élu, est dans une situation à l’image de ce cisaillement général : à l’ouest de la ville, les forces nationalistes font face à ses faubourgs ; au nord, elles en sont à cinquante kilomètres ; au nord-est, à soixante-dix. Madrid n’est plus, géographiquement, que le cœur battant d’une excroissance loyaliste qui s’enfonce en zone rebelle en direction du nord-ouest. Tout naturellement, cette configuration géométrique invite les franquistes à une offensive en pinces : l’une depuis le bord sud de l’espace madrilène, l’autre depuis son bord nord. L’opération prendrait la capitale en tenailles pour lui imposer un siège en bonne et due forme qui serait une victoire politique de taille pour les nationalistes. Le 8 mars 1937, ils s’élancent.

 

La pince nord-est de l’offensive nationaliste est menée par un corps d’armée italien très mobile, solidement pourvu en moyens motorisés et en artillerie, soutenu par l’aviation, et qui s’est fait remarquer le mois précédent à l’occasion de la victoire franquiste de Malaga. Il doit s’enfoncer de cent vingt kilomètres en direction du sud-ouest à travers les défenses républicaines pour toucher Madrid. Le premier jalon de son plan est distant de 70 kilomètres : Guadalajara, petite petite ville de vingt mille âmes d’ordinaire charmante. Guadalajara prise, la capitale espagnole ne sera plus distante que de 50 kilomètres.

 

Comme à Malaga, la météo est abjecte : brouillard à couper au couteau, pluie diluvienne voire neige fondue, le tout giflé par un vent glacial ; mais comme à Malaga, les Italiens disloquent le front républicain en quarante-huit heures ; puis, deux jours durant, ils se fraient un chemin au travers d’unités loyalistes qui affluent depuis Madrid pour s’accrocher dans la boue et même contre-attaquer. Au soir du 11, les hommes du Corpo Truppe Voluntarie ont pénétré de 30 kilomètres les défenses républicaines : ils ne sont plus qu’à 10 kilomètres de Guadalajara. C’est alors que le lendemain 12 mars, la météo se déchaîne vraiment : un véritable déluge s’abat sur les Transalpins.

 

Les voilà noyés dans la boue, cloués sur place pour toute une journée. Comble d’infortune, au même moment, à une soixantaine de kilomètres au sud-ouest, le temps se montre soudain plus clément dans le secteur de Madrid même, où  les pistes de la base aérienne républicaine de l’aéroport sont en dur. Alors que, jusque-là, l’aviation républicaine n’avait pu mener que des apparitions sporadiques sans impact sur la situtation au sol malgré l’absence de l’aviation nationaliste, pour sa part clouée au sol en rase campagne par la météo, ce 12 mars, deux escadrilles de bombardiers moyens républicains Tupolev SB-2 et cent chasseurs Polikarpov I-15 et I-16 décollent de l’aéroport. Quinze minutes plus tard, cette nuée fond à basse altitude sur les colonnes italiennes engluées au sol.

 

Ses bombes éventrent les chars et les camions. Les balles de quatre cents mitrailleuses cisaillent l’espace, fauchent les soldats du Duce. Cinq cents d’entre eux sont tués – dont le chef d’état-major du Corpo Truppe Voluntarie ; deux mille blessés ; mille véhicules sont détruits, vingt-cinq pièces d’artillerie. Pour parfaire le tableau, les chars soviétiques du général Dimitri Pavlov et l’infanterie républicaine contre-attaquent. L’offensive transalpine est brisée [4]. Le lendemain, les Italiens jettent le gant, Franco abandonne l’idée de prendre Madrid. Guadalajara sera la plus grande victoire républicaine de toute la guerre d’Espagne – et la première défaite militaire de l’Italie fasciste. La capitale espagnole est sauvée, et le premier rôle a été tenu par l’aviation – et par des avions soviétiques.

 

L’affaire va remonter jusqu’aux tours du Kremlin.

 

Guadalajara, 12 mars 1937 : des Polikarpov I-15 participent à l'assaut fatal qui stoppera l'offensive de Franco sur Madrid

 

Vue d’artiste de la bataille de Guadalajara : des chasseurs républicains Polikarpov I-15, décollés dix minutes plus tôt de l’aéroport de Madrid-Barajas, fondent à basse altitude et « allument » à la mitrailleuse une colonne d’infanterie italienne sur une route transformée en cloaque.

 

 

Débriefing moscovite

 

A Moscou, les nouvelles encourageantes de Guadalajara sont écoutées avec d’autant plus d’intérêt que l’humeur n’y était pas au ravissement. Tout avait pourtant si bien commencé : dès le mois d’octobre 1936, trois mois seulement après l’éclatement de la guerre civile espagnole, l’Union soviétique avait pris la décision de soutenir militairement le gouvernement de Madrid en y envoyant – entre autres - des chasseurs Polikarpov I-15 et des bombardiers moyens Tupolev SB-2, accompagnées des conseillers militaires qui vont avec. Hélas, les pilotes de chasse italiens et nationalistes espagnols, à bord de leur chasseurs FIAT CR.32 équivalents au I-15, s’étaient avérés une noix plutôt dure à casser. En novembre, Moscou avait donc ajouté à sa mise le tout dernier modèle de chasseur soviétique, le Polikarpov I-16, développé trois ans auparavant. Le I-16 avait dès lors occupé le rang de plus moderne, plus rapide et plus lourdement armé de tous les avions de chasse déployés en opérations dans le monde [5]. Dans les cieux espagnols, il avait enfin inversé la donne. Et voilà que soudain, c’était l’Allemagne qui avait à son tour sorti un joker de son jeu.

 

Jusque-là, Berlin n’avait envoyé en Espagne que des Heinkel 51, les chasseurs plus obsolètes de tout le ciel espagnol. Cette fois, c’était le Messerschmitt 109 qui faisait son apparition. Développé l’année précédente, il était encore plus rapide, encore plus moderne, encore plus lourdement armé que le I-16 soviétique et, depuis son arrivée en Espagne, ce sont les pilotes allemands qui y mènent la danse. Or, il se trouve que l’Union soviétique n’a développé aucun chasseur pour succéder à son dernier modèle. Plus globalement, les premiers mois de guerre d’Espagne ont montré que c’est, en réalité, tout l’armement soviétique qui est à revoir : même les chars T-26 qui, par contre, surclassent haut la main tout ce que les nationalistes peuvent leur opposer - panzers allemands compris - ont eu la très désagréable surprise de découvrir les canons antichar nationalistes, allemands eux aussi.

 

 

Espagne, printemps 1937. Cette vue d’artiste représente un engagement entre un chasseur Polikarpov I-16 républicain (à gauche) et un Messerschmitt 109 nationaliste (à droite). Elle symbolise les enseignements du conflit : en effet, l’appareil soviétique, depuis son arrivée dans les cieux espagnols, surclassait tous ses adversaires germano-italiens, y compris le meilleur d’entre eux, le FIAT CR.32. L’apparition du nouveau chasseur allemand inverse la donne. Or, l’Armée rouge n’a même pas conçu de successeur au I-16. Il en est de même pour les chars soviétiques, qui ont découvert à leurs dépens la puissance de destruction des nouveaux canons antichars allemands.

 

Un engagement au-dessus de l’Espagne entre un Polikarpov I-16 républicain et un Messerschmitt 109 nationaliste au printemps 1937.

 

 

Ces évolutions inquiétantes se sont accumulées aux oreilles d’un Staline d’autant plus alarmé qu’il avait fini par acquérir la conviction qu’une future attaque nazie contre l’Union soviétique était inéluctable. Et voilà que la confrontation en Espagne révèle crûment que l’Armée rouge, jusque-là persuadée – avec de solides arguments il est vrai - d’être la plus plus moderne du monde, ne l’est tout simplement plus. En un mot comme en cent, l’Union soviétique n’est plus prête à encaisser le choc des armées du IIIe Reich. Tout est à reprendre à zéro. A Moscou, le coup d’éclat de Guadalajara, pour gratifiant qu’il soit, ne suscite donc pas l’euphorie. Il a par contre un mérite : celui de prouver - et avec quel éclat ! - que ce que l’on savait depuis vingt ans déjà devient chaque jour un peu plus vrai : dans les guerres de l’avenir, l’aviation jouera un rôle crucial. Vingt ans seulement après le Chemin des Dames, un chasseur I-16 est trois fois plus puissant, deux fois plus lourdement armé et deux fois plus rapide qu’un chasseur de 1918 ; un bombardier moyen SB-2 emporte, à lui seul, les deux tiers de la charge de bombes d’un bombardier lourd de 1918, et vole trois fois plus vite…

 

 

Le Kremlin en hinver

 

Le Kremlin en hiver.

 

 

Les héritiers de Guadalajara

 

C’est avec toutes ces préoccupations dans les esprits que s’ouvre une réunion au Kremlin, le 16 décembre. Le gratin des forces aériennes soviétiques est là. Au menu : décider des projets de prototypes d’une nouvelle génération d’avions militaires. L’euphorie n’est pas de mise : aux nouvelles fâcheuses venues d’Espagne s’ajoutent, depuis le printemps, les purges staliniennes qui battent maintenant leur plein et frappent aveuglément l’Armée rouge – y compris les VVS (les forces aériennes soviétiques) – sans épargner les bureaux d’études eux-mêmes [6].

 

En dépit de la pesanteur du moment, l’on parvient à prendre des décisions concrètes. L’une d’elles consiste à concevoir, à partir de zéro, un futur avion de combat qui sera spécifiquement conçu pour mener des frappes aériennes inspirées de celles qui ont décidé de l’issue de la bataille de Guadalajara et du sort de la capitale de l’Espagne. L’avion devra être à la fois suffisamment agile pour être capable de surgir au ras du sol en ouvrant le feu sur les troupes ennemies, et suffisamment musclé pour le faire avec une puissance de feu dévastatrice encore jamais vue sur un avion de ce gabarit.

 

Or, il se trouve justement que l’un des ténors de l’industrie aéronautique soviétique, le prometteur ingénieur Sergueï Iliouchine, ex-collaborateur d’Andreï Tupolev et de Nikolaï Polikarpov - concepteurs respectifs des bombardiers et des chasseurs victorieux à Guadalajara - a déjà eu exactement la même idée, et que ses équipes sont déjà au travail sur un projet de puissant avion d’assaut à basse altitude. Au tournant des mois de janvier et février 1938, Iliouchine manifeste l’existence de son projet et il en présente le concept sous la métaphore de « tank volant ». Le dossier est intitulé Blindoravanniy Chtourmovik ; en français « avion d’assaut blindé ». L’idée d’Iliouchine est d’architecturer l’avion autour d’un « cœur » central qui abriterait l’équipage et le moteur, et de concevoir ce cœur central comme un sous-ensemble distinct et intégralement blindé. Iliouchine met en avant son dossier auprès d’un aréopage de dirigeants politiques et militaires du plus gros gabarit : le commandant des VVS, Alexandre Loktionov ; le ministre de la défense et chef de l’état-major général de l’Armée rouge, Kliment Vorochilov ; le ministre de l’industrie lourde et de l’industrie pétrolière, Lazare Kaganovitch ; le président du Conseil Viatcheslav Molotov ; et Staline lui-même.

 

 

Sergueï V. Iliouchine, l'un des grands concepteurs aéronautiques soviétiques.

 

Sergueï Iliouchine, père du Chtourmovik et l’un des grands noms de cette génération de concepteurs hyperactifs et surmenés. Tous sont des experts en prouesses de trapézistes entre, d’un côté, l’urgence incandescente de la menace du IIIe Reich qui nourrit l’affolement des autorités politiques, elles-mêmes promptes aux spasmes répressifs les plus imprévisibles, et, de l’autre, un tissu industriel en pleine adolescence qui suit le mouvement dans un désordre éperdu. Au moment où Iliouchine propose sont projet de « tank volant », son bureau d’études est déjà en train de travailler sur un autre projet, celui du bombardier stratégique Iliouchine DB-3 (le futur Iliouchine 4)

 

 

Puis Sergueï Iliouchine se remet travail avec ses ingénieurs. Il va leur falloir beaucoup d’huile de coude parce qu’ils s’aventurent dans des territoires vierges : depuis la Première Guerre mondiale, plus aucun avion dans le monde n’a été conçu spécifiquement pour l’assaut au ras du sol contre des colonnes ennemies. Or, en vingt ans, l’évolution technologique a été météorique – la puissance des moteurs d’avions, par exemple, a été multipliée par sept. Il faut tout reprendre à zéro.

 

Pour épaissir encore l’inconnu, aucune puissance en-dehors de l’Union soviétique ne travaille alors sur un tel projet, et encore moins sur un projet d’avion d’assaut… blindé [7]. L’entreprise exige donc de la sueur… et du temps. Ce n’est donc qu’au mois de janvier 1939 que le projet est enfin au point sur le papier. Entre-temps, dans l’Armée rouge, mais aussi dans les bureaux d’études, le plus gros du typhon des purges est passé. Son grand ordonnateur, le Saint-Pétersbourgeois Nikolaï Iejov, sanguinaire maître du NKVD – les forces de sécurité – a été démissioné et remplacé par Lavrenti Beria, un Géorgien byzantin, organisateur redoutable, dont la première mission est de piloter l’arrêt de l’ouragan. Beria vient de proposer à son tout-puissant compatriote de mettre sur pied une structure devant permettre aux détenus du Goulag possédant des compétences dans le domaines de la conception d’armements de pouvoir reprendre le travail à l’intérieur même des camps. Ces bureaux d’études seront affublés du surnom de charachki (pluriel de charachka) [8].

 

Le dossier d’Iliouchine est validé par les VVS en trois semaines car le temps presse : en septembre précédent, le IIIe Reich a effacé la Tchécoslovaquie de la carte d’Europe et, désormais, il ne fait plus mystère de son agressivité. Le spectre qui hante les nuits du maître du Kremlin continue inexorablement de prendre corps.

 

 

Munich, septembre 1938 : Hitler accueille Mussolini à la conférence qui va sceller le destin de la Tchécoslovaquie.

 

Hitler accueille Mussolini à Munich avant la conférence qui scellera le destin de la Tchécoslovaquie.

 

 

C’est dans cette atmosphère à haute tension que, deux mois plus tard, le tout premier Chtourmovik est roulé hors de son hangar, flambant neuf.

 

Il tombe à pic : au même moment, Staline – dont il faut savoir par ailleurs qu’il est un passioné compulsif d’aviation - donne son imprimatur à un rapport rédigé par un aviateur vétéran de la guerre d’Espagne et qui préconise l’abandon du développement des bombardiers à grand rayon d’action – l’aviation stratégique – au profit d’une aviation entièrement pensée pour soutenir directement les troupes au sol – une aviation tactique [9]. Cet adoubement implique très logiquement l’étape suivante : imaginer comment se servir d’une telle aviation… 

 

 

800 jours avant BARBAROSSA : le Chtourmovik entre dans la course… contre la montre

 

L’avion qui, ce jour-là, effectue les tout premiers mètres de sa carrière est bel et bien unique au monde : seul capable de surgir à basse altitude pour frapper l’ennemi à la bombe (une demi-tonne), à la roquette (huit), au canon (deux) et à la mitrailleuse (deux), son compartiment central est effectivement blindé, y compris la verrière de l’équipage de deux hommes – un pilote et un mitrailleur arrière. Les essais commencent sans perdre de temps car tester un avion révolutionnaire en demande beaucoup. Pourtant, dès le mois de mai 1939, le Chtourmovik semble donner satisfaction, à un bémol près. Pour un monomoteur, le nouvel avion, blindé et portant un armement considérable, est grand et lourd : presque cinq tonnes tonnes à pleine charge. Or, son unique moteur, un Mikouline AM-35 de 1.350 chevaux, est taillé un peu court pour tirer derrière lui un avion de de gabarit, et le Chtourmovik se révèle poussif [10]. Possède-t-il vraiment les muscles qu’il lui faudra pour entrer dans la danse le jour venu ? La question est de taille alors que ce jour se rapproche d’un nouveau pas.

 

En effet, au moment où le tout premier Chtourmovik a enfin pris chair, plus de mille kilomètres à l’ouest de Moscou, la situation internationale a été frappée d’un éclair d’adrénaline soudain, et d’une ampleur inédite jusque-là. Entre l’Allemagne nazie et la Pologne, qui pourtant s’affichaient complices [11], le torchon s’est enflammé sans prévenir. Depuis le mois de mars 1939, Berlin réclame à Varsovie la cession du couloir de Dantzig [12]. Le monde entier a saisi en un éclair qu’il s’agit là d’un casus belli on ne peut plus concret et que, cette fois, le spectre d’une nouvelle déflagration européenne noircit l’horizon pour de bon. Les appréhensions de Staline se matérialisent encore un peu plus et, dans l’industrie militaire soviétique, la tension monte encore d’un cran. En ce qui concerne le Chtourmovik en particulier, et alors qu’il est à peine sorti de l’œuf, les forces aériennes commencent déjà à montrer des signes d’impatience à son sujet.

 

 

Printemps 1939 : les dernières heures de la collaboration entre la Pologne et le IIIe Reich : Heinrich Himmler, chef suprême de la SS, accueilli à Varsovie au mois de février par son alter ego, le colonel Kordian Zamorski, chef de la police polonaise.

 

Les dernières heures de la collaboration entre la Pologne et le IIIe Reich : Heinrich Himmler, chef suprême de la SS, accueilli à Varsovie au mois de février par son alter ego, le colonel Kordian Zamorski, chef de la police polonaise.

 

 

C’est alors qu’au cours de l’été, Staline va réussir – ou plus précisément croire réussir - un tour de magie diplomatique qui va faire reculer l’aiguille du chronomètre et donc redonner de l’air à l’industrie soviétique qui vit au rythme du burn out.

 

 

641 jours avant BARBAROSSA : le pacte

 

Le 23 août 1939, le petit père des peuples arrache au Reich un pacte mutuel de non-agression (voir La saga du Drang nach Osten polonais, paragraphe Les nazis). D’un seul coup, l’Union soviétique encaisse cash un temps inespéré pour continuer de se préparer au choc de la Wehrmacht. Si Staline dit à qui veut l’entendre qu’il a « embobiné » Hitler, il n’a pas compris qu’en réalité, Berlin n’a saisi au bond la signature du pacte que pour endormir la méfiance du Kremlin pendant que la Wehrmacht s’occupera des armées que les Alliés occidentaux accumulent à l’Ouest, dans son dos. En effet, l’écran de fumée diplomatique du Reich ne change rien à la principale raison d’être de sa Wehrmacht depuis sa naissance quatre ans plus tôt : s’abattre sur la Russie (cf. Projet Rayak, Les batailles du Normandie-Niémen, Première partie, paragraphe BARBAROSSA et le Lebensraum). Et quand bien même : même si Staline se félicite d’avoir repoussé l’inéluctable de trois à quatre ans – il prédit désormais l’attaque nazie pour 1942 ou 1943 – un délai de cinq ans demeure le strict nécessaire pour que la Russie ait le temps de se préparer. En conséquence, même avec le pacte dans la poche, l’unique variable qui change en faveur de l’Union soviétique est la qualité finale du résultat qu’elle peut attendre de ses efforts acharnés de modernisation. Moscou ne peut même pas s’offrir le luxe de souffler un instant. Le Kremlin reste tout autant sur les charbons ardents. Huit jours plus tard, la Wehrmacht se déchaîne contre la Pologne. Hitler a abattu sa première carte, la guerre éclate en Europe.

 

 

 

Moscou, 23 août 1939 : le pacte de non-agression germano-soviétique signé, Staline jubile entre Joachim von Ribbentrop, ministre des Affaires étrangères du Reich, et Viatcheslav Molotov, ministre des Affaires étrangères soviétique.

 

Moscou, 23 août : le pacte signé, Staline jubile entre Joachim von Ribbentrop, ministre des Affaires étrangères du Reich, et Viatcheslav Molotov, ministre des Affaires étrangères soviétique.

 

 

Victoire contre le Japon

 

Or, il se trouve que l’offensive nazie en Pologne n’est pas l’unique choc militaire du moment. Un autre a éclaté, et si son écho n’est parvenu jusqu’en Europe que très étouffé par son éloignement et par la tension maximale du moment sur le Vieux continent, il est tout aussi important par ses implications. A sept mille kilomètres du couloir de Dantzig, les forces de l’empire du Soleil levant, venues de la Chine voisine, ont franchi vers l’ouest la frontière orientale de la Mongolie extérieure, état voisin méridional immédiat de l’Union soviétique. La Mongolie : pays de plaines arides surplombé d’un ciel bleu uniforme, grand comme trois fois la France, peuplé comme deux de ses départements. La rapine japonaise pourrait sembler n’être qu’une formalité militaire, mais voilà : il se trouve que la Mongolie est alliée militairement à l’Union soviétique. Staline y a donc dépêché un général décidé du nom de Guéorgui Joukov, pour l’heure tout aussi inconnu dans son pays qu’à l’étranger. Armé de ses convictions en matière militaire – la coopération interarmes infanterie-artillerie-chars-avions, Joukov a écrasé les Japonais. Son maniement de l’aviation, notamment, est remonté jusqu’à Moscou : il confirme les enseignements de Guadalajara [13].

 

Une note fait d’ailleurs son apparition sur le bureau de Sergueï Iliouchine : les VVS réclament la livraison de l’un des deux prototypes du – désormais - Chtourmovik. Les forces aériennes entendent mener leurs propres essais du nouvel avion. Au mois de novembre 1939, l’ingénieur soviétique s’exécute, alors qu’un hiver glaciaire s’abat sur tout le continent européen : à l’Ouest, où les armées alliées et allemandes sont face à face,  le froid cristallise le front tout autant que les préparatifs militaires qui se poursuivent des deux côtés [14]. C’est alors la « Drôle de guerre », que l’allié britannique surnomme Phoney War - la guerre au téléphone - et les soldats du Reich la Sitzkrieg - la guerre où l’on reste assis à attendre.

 

 

 

Un soldat britannique sur le front belge au mois de février, dans l’attente du choc de la 6e armée allemande – celle-là même qui, un jour, ira à la rencontre de son destin à Stalingrad.

 

 

Tandis que s’éternise l’hiver, le principal défaut du Chtourmovik - sa sous-motorisation - crève de plus en plus l’écran et le temps qui continue de s’égréner commence à faire grincer les dents en haut lieu. Au mois de février 1940, le ministère de la production aéronautique demande à Iliouchine de modifier son prototype pour le rendre capable d’accueillir un nouveau moteur plus puissant et plus prometteur, qui devrait permettre au « tank volant » de sauter d’un seul coup d’une puissance de 1.350 chevaux à 1.600 chevaux, un gain de 20 % qui apporterait un précieux bol d’air frais à l’avion. Les bureaux d’études d’Iliouchine retroussent leur manches pendant que, de leur côté, les VVS poursuivent leurs propres essais.

 

 

Le purgatoire finlandais

 

C’est à ce moment–là qu’en parallèle, une autre guerre s’achève : la « guerre d’Hiver » qui, trois longs mois durant, a embrasé les épaisses forêts qui recouvrent la frontière entre la Finlande et l’Union soviétique [15]. Second volet du projet de Staline de mettre en place un long glacis défensif sur le palier de l’Union soviétique, la guerre d’Hiver s’est certes terminée par une victoire face à la petite armée finlandaise enterrée dans ses profondes forêts, mais une victoire qui s’est avérée si fastidieuse qu’elle a effacé la brillante victoire soviétique contre le Japon et que le monde en vient à se poser de sérieuses questions sur la valeur réelle de l’Armée rouge [16].

 

Pourtant, dans l’ombre de cet humiliant succès, les VVS ont discrètement tiré parti de l’aubaine pour mener leurs propres expériences, qui prolongent celles de Guadalajara et de la victoire - nette celle-là - remportée en Mongolie contre l’armée impériale japonaise l’année précédente : un régiment d’avions de chasse soviétique, s’improvisant régiment d’assaut aérien, s’est spécialisé avec un succès consommé dans l’attaque des lignes de ravitaillement finlandaises, en particulier des locomotives tractant les trains de marchandises. Voilà qui consolide encore, s’il en était besoin, le concept d’aviation d’assaut. Cette énième confirmation tombe à point nommé : une nouvelle déflagration fait franchir un nouveau cap à la tension en Europe : au mois d’avril, l’Allemagne nazie passe à l’attaque au Danemark et en Norvège – cette dernière regorgeant du fer dont l’industrie du Reich ne peut se passer.

 

Le 7 mai, tandis que la Wehrmacht prend l’ascendant sur les troupes alliées en Norvège, les VVS achèvent leur propre cycle d’essais complet du Chtourmovik, et leur verdict est positif ; à deux – gros - bémols près, toutefois : en premier lieu, encore et toujours, le « tank volant », équipé du moteur de 1.350 chevaux, est décidément trop lent. Tous les espoirs se portent vers le fameux nouveau moteur de 1.600 chevaux [17]. Il y a encore plus grave, cependant. Lorsque le « tank volant » est harnaché de son équipement de gladiateur au complet, le centre de gravité de l’appareil est décalé vers l’arrière de l’avion. Il en résulte à la fois une instabilité en vol et une maniabilité détérioriée : le Chtourmovik n’est pas un avion facile à piloter. C’est là un défaut d’autant plus grave que les VVS sont en pleine croissance et que la formation des pilotes nécessaires peine à suivre un tel rythme. Beaucoup des futurs pilotes de Chtourmoviks seront forcément des novices qui auront bien des difficultés à tirer parti d’une monture aussi difficile à maîtriser. Pourtant, malgré ces défauts de jeunesse, la bête a séduit, et les aviateurs demandent la production en série d’un nombre d’exemplaires suffisant pour équiper des unités chargées de prendre le nouvel avion en main et d’inventer le mode d’emploi détaillé de la future aviation d’assaut.

 

 

L’un des deux prototypes de l'Iliouchine Il-2 Chtourmovik (en anglais Ilyushin Il-2 Sturmovik) au mois d’avril 1940.

 

L’un des deux prototypes du Chtourmovik au mois d’avril.

 

Trois jours seulement après la diffusion du rapport de conclusion des VVS, et alors que la bataille fait toujours rage en Norvège, le Reich lâche simultanément ses armées contre celles des Alliés aux Pays-Bas, en Belgique et au Luxembourg. Sur le continent européen, les choses très sérieuses commencent. A Moscou, cinq jours seulement après la détonation à l’Ouest, l’Armée rouge décrète que le Chtourmovik est apte à entrer en service dans les VVS, en même temps que ses imperfections seront corrigées. Les forces aériennes, pour leur part, piaffent d’impatience de voir cet avion révolutionnaire entrer en production en série.

 

La carrière du « tank volant » commence.

 

 

410 jours avant BARBAROSSA : produire des Chtourmoviks !

 

Semaine après semaine, la course contre la montre se poursuit, toujours à pleine vitesse et sans ralentir dans les virages, en dépit du pacte de non-agression qui n’a fait qu’en décaler le terme. Au mois de juin, tandis qu’à l’Ouest, le choc militaire tourne à la débâcle pour les Alliés, la production en série du Chtourmovik est confiée à l’usine Numéro 381 de Leningrad. Ses ingénieurs, ses techniciens et ses ouvriers doivent faire sortir d’usine les dix premiers exemplaires de l’avion au cours de l’année 1940 afin de rôder le processus de production. Dans un second temps, ils devront produire six cents exemplaires de série au cours de l’année 1941. Pendant que la fourmilière de la grande usine de Leningrad retrousse ses manches sous le soleil des « nuits blanches de Saint-Petersbourg », les armées du Reich donnent le coup de grâce aux armées alliées [18] : en France, les Britanniques jettent l’éponge, les Français sont débordés, le gouvernement tombe, le Maréchal Philippe Pétain monte au pouvoir, les armes se taisent. Berlin a balayé la menace que les armées alliées faisaient courir dans son dos. Il ne reste plus au Reich qu’une formalité à régler : asséner à l’Angleterre le direct du droit qui la mettra définitivement hors-jeu à son tour. Alors, l’Allemagne nazie sera libre de faire sa volte-face vers le point cardinal qui guide son existence même : l’Est. Dans les premiers jours de juillet, la Luftwaffe prend son envol depuis ses nouveaux terrains français et belges : la bataille d’Angleterre commence. Staline gémit ingratement : « pourquoi n’ont-ils opposé aucune résistance ? » [19].

 

 

Mi_mai 1940. Une colonne d’une division de Panzers dans les premiers jours de la campagne de l’Ouest

 

Une colonne d’une division de Panzers dans les premiers jours de la campagne de l’Ouest.

 

La mue de l’Armée rouge doit encore monter en régime. Les VVS et le ministère de la production aéronautique tiennent réunion pour faire décoller la production en série du Chtourmovik. Il est décidé qu’une seconde usine joindra ses efforts à celle de Leningrad : l’usine Numéro 30 de la région de Moscou ; mais la réalité laisse à désirer : si l’Union soviétique est toujours en pleine industrialisation « à toute vapeur », les purges du petit père des peuples – encore elles – n’ont pas épargné les cadres de l’industrie militaire. L’hémorragie de compétences est venue ajouter son poids aux difficultés déjà inhérentes à un tissu industriel en pleine adolescence. L’usine Numéro 30, par exemple, est encore en cours de construction ! Son parc de machine-outils, lui-même en cours de constitution, est encore insuffisant pour entreprendre la production du Chtourmovik. Il faut pressentir une troisième usine, l’usine Numéro 39. Le dernier-né de Sergeï Iliouchine va avoir de la peine à faire des petits.

 

De leur côté, les ingénieurs d’Iliouchine ne lésinent pas sur l’huile de coude pour corriger les défauts de leur nouvel avion mais, là encore, les soucis ne manquent pas. En effet, simultanément aux travaux sur le Chtourmovik, le constructeur investit des moyens massifs dans le développement d’un autre modèle d’avion : le bombardier stratégique DB-3. Or, le DB-3 leur donne des sueurs froides car sa production en série - déjà en cours, elle - se heurte à de très grosses difficultés, alors que Sergueï Iliouchine est, là aussi, attendu avec une impatience non-dissimulée qui confine à l’exaspération. Les VVS, tout autant sur les charbons ardents qu’Iliouchine, se lancent dans un chantier gigantesque : la construction d’un réseau de rien moins que… six cents bases aériennes face aux forces de l’Axe, sur une profondeur de cent cinquante kilomètres face aux lignes des forces de l’Axe. Pendant que des centaines de milliers d’ouvriers remuent la terre, au mois de septembre, à deux mille cinq cents kilomètres de Moscou, Londres rougeoie lugubrement sous les coups du Blitz des bombardiers de la Luftwaffe ; mais à Moscou, la roue tourne aussi : l’un des prototypes du Chtourmovik reçoit, enfin, le nouveau moteur tant attendu de 1.600 chevaux.

 

 

Le Blitz dans la nuit du 29 au 30 décembre 1940 : Londres en pleine nuit sous un bombardement de la Luftwaffe.

 

Londres en pleine nuit sous un bombardement de la Luftwaffe (la photo date de la nuit du 29 au 30 décembre).

 

 

280 jours avant BARBAROSSA : le coup de théâtre des Chtourmovik monoplaces

 

C’est à ce moment-là qu’intervient un cahot qui va marquer l’histoire du Chtourmovik. Toujours en ce mois de septembre 1940, Iliouchine entreprend soudainement de développer une version… monoplace de son avion d’assaut, autrement dit avec pilote seul, et sans mitrailleur arrière. Or, il tombe sous le sens que la suppression du mitrailleur arrière – et donc de l’unique armement défensif qui protège le secteur arrière du Chtourmovik - déshabillerait le « tank volant » de la moitié de ses capacités défensives, et désignerait cet avion lourd, lent et peu maniable comme proie de choix pour l’aviation de chasse ennemie. L’initiative paraît si incompréhensible qu’au XXIe siècle encore, elle divise toujours les historiens.

 

L’une des causes possibles de ce coup de théâtre est le projet du bombardier Iliouchine DB-3. Ce dossier est devenu si brûlant qu’en haut lieu, il est devenu question de l’abandonner purement et simplement, ce qui reviendrait à retirer à Iliouchine les moyens matériels qui lui ont été affectés pour ce projet [20]. Pour le constructeur, il s’agirait là d’une débâcle. Sergueï Iliouchine redouble donc d’énergie pour sauver le DB-3. Ce faisant, et par effet artithmétique, il affaiblit les moyens dont a besoin son autre programme, celui du Chtourmovik qui, pourtant, exige lui aussi de très importants correctifs. L’urgence de sauver le programme DB-3 pourrait donc bien freiner la mise au point finale de l’avion d’assaut… et ajouter à l’ire qui s’accumule au-dessus de la tête des bureaux Iliouchine.

 

 

Le bombardier à long rayon d’action Iliouchine DB-3 (en anglais Ilyushin DB-3)

 

Le bombardier à long rayon d’action Iliouchine DB-3, l’autre projet d’Iliouchine (image de synthèse)

 

Le concepteur d’avions, ne sachant plus où donner de la tête, recourt alors à un tour de passe-passe : transformer le Chtourmovik en monoplace. En effet, une réduction des mensurations de l’habitacle impliquerait automatiquement une réduction des mensurations de la coque centrale blindée qui l’abrite, et donc une réduction de son poids. L’avion, ainsi allégé - et doté de surcroît du nouveau moteur plus puissant – se trouverait libéré de sa lourdeur pénalisante. A la fois plus léger et plus puissant, il gagnerait une agilité nouvelle qui lui redonnerait ses chances face à la chasse ennemie et compenserait ainsi la suppression du mitrailleur. Dans la foulée, Iliouchine envisage de faire coup double en installant, dans l’espace ainsi libéré par la suppression du poste du mitrailleur, un réservoir de carburant supplémentaire qui augmenterait d’autant l’autonomie de l’avion, elle aussi jugée insuffisante. Iliouchine joue donc sur tous les échiquiers à la fois pour sauver le projet DB-3 et rendre viable le projet Chtourmovik et,  in fine, pour sauver les bureaux Iliouchine eux-mêmes.

 

D’autres sources affirment qu’à l’inverse, l’initiative de transformer le Chtourmovik en un monoplace n’est pas du cru de Sergueï Iliouchine. Elle viendrait d’en haut, peut-être du Maréchal Kliment Vorochilov lui-même, longtemps ministre de la Défense et l’un des « éléphants » de la machine politique stalinienne. Vorochilov, cinquante-neuf ans, cumule alors les fonctions de membre du Bureau politique du Parti communiste soviétique – l’organe suprême de direction du parti – et de vice-président du Conseil des commissaires du peuple, c’est-à-dire de vice-président du Conseil. Cette hypothèse-là est peu plausible. En effet, l’incompétence militaire légendaire du ministre a largement contribué à la prestation atterrante de l’Armée rouge dans la guerre d’Hiver, qui a valu à Vorochilov d’être déboulonné de son poste de ministre de la Défense par un Staline fulminant, et rangé dans son placard doré [21]. Vorochilov aurait pourtant affirmé que le « tank volant » d’Iliouchine est muni d’un blindage si exceptionnel que celui-ci rend superflue la présence à bord du mitrailleur arrière ; que l’allégement de l’avion ainsi obtenu, et son équipement avec un réservoir d’essence interne complémentaire à la place de l’ex-mitrailleur conféreraient au Chtourmovik une autonomie étendue d’autant, et donc une capacité à frapper plus profondément derrière les lignes ennemies. Même en imaginant que le vice-président du Conseil ait bel et bien formulé ce diagnostic technique, il est invraisemblable que le petit père des peuples, qui connaît depuis vingt ans les talents et les lacunes de son fidèle Vorochilov, ait tenu compte de l’avis d’un homme dont tout l’Union soviétique sait ce que valent les compétences militaires.

 

Vorochilov ou pas, Staline aurait lui-même abondé dans le même sens. Cette version-là est par contre plausible. Le Géorgien – dont il faut rappeler qu’il est par ailleurs un féru d’aviation - toujours aiguillonné par le compte à rebours imposé par le IIIe Reich, aurait vu dans l’artifice de la supression du mitrailleur une porte ouverte sur une accélération de la mise au point finale de l’avion d’assaut d’Iliouchine. Par ailleurs, le remplacement du mitrailleur par un réservoir d’essence supplémentaire augmentant le rayon d’action de l’avion, donc sa capacité de pénétration à l’intérieur du dispostiif ennemi, démultiplierait son potentiel offensif. Or, il se trouve qu’une telle vision épouserait avec le plus grand bonheur la doctrine officielle de l’Armée rouge telle qu’elle est alors, à savoir celle de l’offensive à tout crin. Dans cette version du scénario, Iliouchine lui-même se serait à l’inverse insurgé contre l’hérésie du Chtourmovik privé de son mitrailleur.

 

Au début du XXIe siècle, le tri entre ces diverses hypothèses reste encore à ses balbutiements, et le mystère de la mutation du Chtourmovik en monoplace reste encore à peu près complet. Toujours est-il que les VVS – motif supplémentaire d’étonnement – ne formulent aucune objection à ce pataquès, et qu’au mois d’octobre 1940, le ministère de la production aéronautique donne à son tour son feu vert comme si de rien n’était. Effectivement, tout s’accélère : le nouveau Chtourmovik monoplace effectue son premier vol dès le début du mois et, en décembre, une grande réunion au Kremlin décide du lancement massif de sa production : elle sera confiée non seulement aux deux usines déjà pressenties de Leningrad et de Moscou, mais aussi à l’usine Numéro 18 de Voronej - à 400 kilomètres au sud de la capitale - et, pour faire bonne mesure, à l’usine Numéro 35 de Smolensk - à 300 kilomètres à l’ouest de Moscou. Dans le but de préserver la standardisation de la fabrication, qui pourrait souffrir de l’éparpillement de la production, l’usine Numéro 18 doit se voir attribuer la supervision des procédures de production de l’ensemble des usines mobilisées. Le 9 décembre, l’Union soviétique chamboule son système de désignation des avions et, cinq jours plus tard, l’avion d’assaut prend officiellement son nom définitif : Iliouchine Il-2 Chtourmovik. En parallèle, tout au long du futur front, les travaux pharaoniques de construction de bases aériennes doivent être interrompus par la survenue d’un second hiver glacial consécutif [22]. Les sols sont durs comme fer : impossible de les creuser ; impossible de couler le béton. Tout s’arrête.

 

 

168 jours avant BARBAROSSA : patatras industriel

 

Trois semaines après le baptême de l’Il-2, le 7 janvier 1941, le ministère de la production aéronautique entérine la décision du Kremlin et mobilise toutes les usines pressenties. Le mois suivant, l’Ilouchine Il-2 monoplace est au point. Comme prévu, la suppression du mitrailleur et de son poste de tir a rendu l’avion plus léger et plus maniable, et son autonomie est enfin conséquente. Tout ou presque est donc résolu, à une exception près : celle de la stabilité en vol, qui persiste ; mais, en ce mois de janvier 1941, cette ultime difficulté ne pèse plus que d’un poids très relatif face à la menace nazie, de plus en plus mal dissimulée par le paravent du pacte de non-agression. Un mois et demi plus tôt, le ministre des Affaires étrangères soviétique, Viatcheslav Motolov, a eu avec Hitler à Berlin un échange orageux. A l’Ouest, six longs mois de batailles aériennes au-dessus de l’Angleterre n’ont pas entamé la résolution minérale du Premier ministre britannique Winston Churchill, et il semble bien qu’au-dessus du Channel, les jeux soient faits (cf. Projet Rayak, Les batailles du Normandie-Niémen, Première partie, paragraphe Le grain de sable anglais) : Londres reste en guerre, Hitler n’a plus de carte à jouer à l’Ouest, et la bataille d’Angleterre s’achemine inexorablement vers sa fin. Lorsque le ciel britannique sera redevenu calme, où le Reich peut-il retourner les forces démesurées qu’il accumule depuis déjà six longues années, sinon vers l’Est ?

 

 

Eté 1940 : un pilote de chasse de la Royal Air Force pendant la bataille d’Angleterre.

 

Un pilote de chasse de la Royal Air Force pendant la bataille d’Angleterre. Albion a survécu au coup de matraque de la Luftwaffe et a rendu coup pour coup dans le ciel. L’affaire de la bataille d’Angleterre est entendue et les forces aériennes du Reich sont désormais libres d’intervenir là où Berlin le voudra. A l’aube de cette année 1941, Staline ignore que cela fait déjà cinq mois – dès les premières semaines de la bataille d’Angleterre - qu’Hitler a organisé, avec les plus grandes sommités de la Wehrmacht, dans sa résidence secondaire des Alpes, une réunion qui a accouché de la décision de se mettre au travail sur les plans de l’opération BARBAROSSA. Il ignore qu’à l’automne qui a suivi, alors même que son ministre des Affaires étrangères Viatcheslav Molotov parlait avec Hitler à Berlin, ce dernier signait, le même jour, sa directive numéro 18 ordonnant l’opération.

 

 

Tandis que se rapproche le danger qui menace l’Union soviétique, les VVS mènent leurs propres essais du Chtourmovik « dernière mouture », monoplace et équipé du nouveau moteur. Le verdict est positif. Certes, l’Iliouchine 2 reste instable en vol et présente donc un danger pour les jeunes pilotes [23]. Néanmoins, cette instabilité a été partiellement résorbée : le Chtourmovik, plus léger, plus puissant, est devenu moins difficile à piloter. Dès le mois de février, une cinquième usine vient grossir les rangs de l’armada industrielle qui doit produire l’Il-2 : l’usine Numéro 380 de Leningrad. Le même mois, le tout premier Chtourmovik de série est roulé hors d’usine. Là-dessus, une sixième usine, l’usine Numéro 43 de Kiev, vient encore s’ajouter au potentiel de production de l’avion d’assaut. Le ciel au-dessus de l’Il-2 semble enfin s’éclaircir. Pendant ce temps, face au futur front, les rigueurs extrêmes de l’hiver 1940-1941 commencent à s’estomper et le travail reprend sur les esquisses de centaines de bases aériennes que l’hiver avait plongées dans le silence ; mais dès le mois de mars, la raspoutitsa - le dégel - transforme cette fois les sols en un magma aussi intravaillable que naguère le sol gelé. Les travaux s’arrêtent encore…

 

 

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L’un des prototypes du nouvel Il-2 monoplace, allégé et enfin dopé par son moteur de 1.600 chevaux, sur un terrain d’essais des VVS au début du mois de mars.

 

 

A l’approche des premiers beaux jours de 1941, il s’avère que dans les désormais six usines qui doivent produire le Chtourmovik, les machines-outils et le savoir-faire font défaut et que les équipes d’ingénieurs peinent à mettre en place les infrastructures de production de l’Il-2. Il va pourtant bien falloir : au mois d’avril, les VVS déclarent officiellement l’Il-2 « bon pour le champ de bataille ». Les aviateurs rêvent même d’avoir équipé, d’ici la fin de l’année, onze régiments de soixante Chtourmoviks chacun. Las ! Lorsqu’avril s’achève, l’usine pilote Numéro 18 de Voronej qui devait, pour sa part, avoir livré cent trente exemplaires du nouvel avion, n’est parvenue à en sortir qu’une poignée d’exemplaires. Quant aux autres usines, elles n’en ont produit aucun.

 

La situation est d’autant plus grave que dans les premiers jours d’avril, la Wehrmacht a cette fois fondu sur la Yougoslavie puis sur la Grèce, engloutissant les deux pays en deux semaines et demie : l’empire du Reich et de ses alliés s’étend désormais de la Bretagne à Athènes et du cercle polaire arctique aux sables désert libyen.

 

 

Opération MARITA : une colonne de la Wehrmacht sur une route grecque en avril 1941

 

Une colonne de la Wehrmacht sur une route grecque en avril

 

 

Six semaines avant BARBAROSSA : le Chtourmovik arrive !

 

C’est au mois de mai que les quelques premiers Il-2 de série sont livrés à la toute première unité des VVS désignée pour le découvrir : le 4e régiment de bombardiers légers, mené par le commandant Semion Getman, un officier chevronné de trente-huit ans, dont douze années d’expérience du pilotage. Getman et ses pilotes ont reçu mission d’essuyer, les premiers, les inévitables plâtres de la prise en main d’un avion nouveau par une unité opérationnelle. Le défi n’est pas mince : jusque-là, le 4e régiment était équipé d’antiques bombardiers légers Polikarpov R-5 biplans entrés en service dans les VVS en 1931. Les hommes de Getman vont devoir passer, sans transition, d’un bombardier biplan de 2,9 tonnes à train d’atterrissage fixe, à cockpit ouvert, doté d’un moteur de 680 cheveux, volant à 290 km/h, portant 300 kg de bombes et armée de trois mitrailleuses légères, à un monoplan d’assaut de plus de 5 tonnes à cockpit fermé, à train rétractable, doté d’un moteur de 1.600 chevaux, volant à 450 km/h et capable d’emporter 600 kilos de bombes, huit roquettes, et armé de deux canons et de deux mitailleuses. L’affaire va être rendue encore plus sportive par le fait que les Chtourmoviks tout neufs sont livrés au régiment… nus, sans documentation technique. Dans cette tâche, l’expérience de Getman et de ses pilotes ne sera pas un luxe. Dans la foulée, le 4e régiment de bombardiers légers est rebaptisé 4e régiment d’aviation d’assaut.

 

 

Le biplace multirôles Polikarpov R-5, tout à la fois bombardier léger, avion de transport léger et avion école.

 

Un Iliouchine Il-2 Chtourmovik Type 1 (en anglais Ilyushin Il-2 Sturmovik)

 

En haut, un bombardier léger Polikarpov R-5 ; en bas un Il-2 modèle 1941 : le saut de l’ange technologique qui attend les pilotes du 4e régiment d’assaut saute aux yeux.

 

 

Tandis que les pilotes du 4e régiment font faire les premiers tours de moteurs à des Chtourmoviks de série, les VVS parviennent à mettre sur pied, en puisant sur les premières dizaines d’exemplaires existants de l’Il-2, un second régiment d’avions d’assaut : le 65e créé, lui, ex nihilo. Avec le 4e régiment, ils constituent l’intégralité de la flotte d’assaut en service des forces aériennes soviétiques. Mi-mai, les sols ayant enfin séché, les travaux d’Hercule de construction des terrains d’aviation du front reprennent à nouveau et le 19 juin, les VVS reçoivent l’ordre de repeindre tous leurs avions en camouflage de temps de guerre. Le lendemain, l’usine Numéro 18 de Voronej, chef d’orchestre résolu de la production de l’Il-2, dresse un premier bilan : elle-même est parvenue à sortir quatre-vingt-trois exemplaires du Chtourmovik ; ses usines « filles » sont enfin parvenues à démarrer leur propre production. Au total, l’usine Numéro 18 et son réseau ont livré deux cent quarante-neuf Iliouchine 2 aux forces aériennes, de quoi équiper presque entièrement quatre régiments d’assaut. Sur le terrain, les vétérans du 4e régiment de Getman, qui commencent à dompter la bête, ont le soulagement de pouvoir cette fois être entièrement rééquipés en Chtourmoviks. Quant au 65e régiment, il reçoit à son tour ses premiers exemplaires. C’est au moment où il est en train de les prendre en compte que l’aiguille du compte à rebours d’Hitler arrive à zéro.

 

Quarante-huit heures seulement après le bilan enfin encourageant de l’usine Numero 18 et de son réseau, alors qu’il est trois heures du matin à Berlin et quatre à Moscou, mille deux cents kilomètres de frontière qui séparent la Wermacht de l’Armée rouge s’embrasent dans une lueur gigantesque.

 

Prochain chapitre : BARBAROSSA, l'ordalie.

 

Pierre Bacara

 

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armee-rouge.fr : Le site de l’Armée rouge

ostfront.forumpro.fr : Le Forum du Front de l'Est

 

 

[1] Opération JITOMIR-BERDITCHEV, 24 décembre 1943 – 17 janvier 1944 : voir détails dans le commentaire du témoignage d’Ivan Stepanovitch Martynouchkine, chapitre Au front.

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[2] En effet, au total, 36.000 exemplaires de l’Il-2 Chtourmovik sont sortis des usines soviétiques. A titre de comparaison, au cours du premier siècle de l’histoire de l’aviation, près de 34.000 chasseurs Messerschmitt Bf 109 ont été produits ; 20.000 chasseurs Supermarine Spitfire et autant de Focke-Wulf Fw 190 ; 18.000 bombardiers Consolidated B-24 Liberator et autant de chasseurs MiG-15 ; 16.000 avions de transport Douglas DC-3, C-54 ou Dakota ; 15.000 chasseurs North Americain P-51 Mustang et F-86 Sabre ; 12.000 bombardiers Boeing B-17 Flying Fortress ; 10.000 chasseurs Mitsubishi A6M Zero et autant de MiG-21 et d’avions de transport Airbus A320 ; 8.000 chasseurs SPAD XIII ; 7.000 chasseurs Republic F-84 Thunderjet ; 6.000 bombardiers Junkers 87 Stuka et autant de chasseurs MiG-17 et d’avions de transport Boeing 737; 5.000 chasseurs Sopwith Camel et autant d’avions de transport Junkers Ju 52 et de chasseurs McDonnel F-4 Phantom II. Le Chtouromvik trône donc au sommet de l’histoire de la production aéronautique mondiale si l’on oublie quelques avions de tourisme ou d’entraînement.

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[3] Six ans plus tôt, aux élections municipales du royaume, la gauche espagnole a remporté une victoire si écrasante que le roi Alphonse XIII, épouvanté, s’en est purement et s’implement exilé. Les vainqueurs politiques ont alors proclamé la république, baissant le rideau sur la monarchie constitutionnelle en vigueur depuis un demi-siècle. S’en sont suivies des années de tornade politique, l’électorat en ébullition basculant de gauche à droite ou inversement, dans une atmosphère de violence électrique. Aux élections législatives de 1936, le Frente Popular (« Front populaire ») a signé une seconde victoire spectaculaire qui a saisi d’effroi les conservateurs : ces derniers en ont déclenché une guerre civile sans pitié. Si les loyalistes républicains - soutenus par l’Union soviétique et par des brigades de volontaires internationaux - laissent dans leur sillage des milliers d’exécutions de prisonniers de guerre, de prisonniers politiques conservateurs, royalistes, fascistes, de membres du clergé – femmes comprises, les rebelles nationalistes, soutenus par l’Allemagne nazie et l’Italie fasciste, ne tendent pas la joue gauche : anarchistes, socialistes, communistes, syndicalistes, francs-maçons, qu’ils soient combattants ou civils sont, là encore, massacrés par milliers, les femmes étant victimes de campagnes de viol systématique.

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[4] Quatre années plus tard, à l’éclatement de l’invasion nazie contre l’Union soviétique, le général Dimitri Pavlov, qui commande une brigade blindée ce 12 mars 1937, commandera… un groupes d’armées soviétique, le Front de l’Ouest. Cette fois, il subira une défaite écrasante. Le 4 juillet 1941, il sera arrêté ; le 8, démis de ses fonctions ; le 22, fusillé. Parmi ses subordonnés à Guadalajara se trouve un autre officier soviétique, le capitaine Alexandre « Pablito » Rodimtsev : cinq ans plus tard, Rodimtsev mènera au combat la division d’infanterie de la Garde qui sauvera Stalingrad d’un désastre complet et prématuré.

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[5] Si l’on fait abstraction des quelques exemplaires de chasseurs Dewoitine 510 livrés par la France aux forces armées espagnoles. Dans le ciel ibérique, le D. 510 est alors le seul chasseur qui puisse se comparer au I-16 : il est plus puissant, plus lourdement armée que le chasseur Polikarpov, mais l’avion soviétique reste plus rapide et technologiquement plus moderne.

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[6] En effet, un mois et demi avant cette réunion, les bureaux d’études aéronautiques d’Union soviétique ont été soudainement frappés lorsque, dans la même journée, ont été arrêtés rien moins qu’Alexandre Tupolev himself, l’un des pionniers de l’aéronautique russe depuis le temps du tsar Nicolas II et devenu l’un des deux plus grand concepteurs aéronautiques d’Union soviétique, ainsi que l’un de ses plus importants collaborateurs, Vladimir Petliakov. Entre autres succès, les deux hommes avaient signé le premier bombardier lourd soviétique standard de l’aviation soviétique, le Tupolev TB-3, puis son tout premier bombardier moyen, le Tupolev SB-2 – celui-là même qui allait constituer les rangs des bombardiers victorieux de Guadalajara. Les deux concepteurs aéronautiques ont été jetés dans la prison de Boutyrka à Moscou – la forteresse-prison géante érigée par l’impératrice Catherine de Russie. Une charrette bondée d’irremplaçables cadres et ingénieurs des bureaux d’études et des industries aéronautiques irremplaçables les a rejoints ; tout ce monde est en attente de jugement.

 

Staline n’en est pas à son galop d’essai : une petite dizaine d’années plus tôt, alors fraîchement monté au pouvoir, le Géorgien s’en était déjà pris à l’autre ténor de l’aéronautique soviétique, Nikolaï Polikarpov, alter ego de Tupolev, et qui développait alors le futur chasseur I-6 dans le cadre du premier plan quinquennal qui démarrait. Polikarpov avait déjà à son palmarès le biplan-école et d’épandage agricole Po-2 qui, depuis, a formé tous les pilotes soviétiques ; mais aussi l’avion multirôles et bombardier léger R-5, les deux modèles ayant connu une solide carrière dans les VVS.

 

Nonobstant, Staline s’est trouvé excédé par les méthodes de travail scrupuleuses de Polikarpov, peu compatibles à ses yeux avec les urgences d’une industrie aéronautique soviétique qui sortait alors du néant et que surplombaient les géants qu’étaient devenus ses concurrentes française, britannique et allemande du haut de leurs premières vingt années d’expérience. La foudre du petit père des peuples avait frappé. Polikarpov, arrêté, avait été condamné à mort pour « sabotage » et « activités contre-révolutionnaires », et emprisonné. Pas plus de deux mois plus tard, Staline avait fait commuer la peine de l’ingénieur en dix années de travaux forcés pour l’envoyer travailler au Bureau Central de Conception Numéro 39, un bureau d’étude qui n’avait pas son pareil dans le monde puisqu’il était situé… dans l’enceinte de la prison de Boutyrka où travaillaient déjà plusieurs centaines d’ingénieurs et d’experts aéronautiques, tout aussi saboteurs et contre-révolutionnaires. L’expérience du Bureau Central de Conception Numéro 39 était le précurseur de ce que les Soviétiques baptiseraient plus tard les charachkas : des centres de recherche de toute première force travaillant derrière les barbelés du Goulag. L’Union soviétique stalinienne devenait ainsi l’unique pays au monde où le gouvernement confiait la responsabilité de dossiers secret défense hautement sensibles à des prisonniers politiques. Mieux : le Bureau Central de Conception Numéro 39 ayant un besoin crucial de spécialistes du plus haut niveau, il leur avait été affecté… des ingénieurs vierges de toute condamnation et, de ce fait, condamnés travailler… en prison ! Au bout d’un an et demi de travail, Polikarpov et sa nouvelle équipe produisaient un nouveau chasseur, le I-5, aussi réussi que les réalisations antérieures de l’ingénieur, et dont le premier vol a été effectué par le pilote d’essais Valériy Tchkalov, le plus célèbre des aviateurs soviétique. Staline, grinçant, a amnistié toute l’équipe en bloc. Les réalisations suivantes de Polikarpov, les chasseur I-15 et I-16, lui ont d’abord valu d’être décoré de l’ordre de Lénine, puis d’être élu député du Soviet suprême de l’URSS, avant que ses chasseurs ne gagnent la supériorité aérienne en Espagne puis assènent le coup d’éclat de Guadalajara. Mais le Géorgien a parfois la mémoire longue…

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[7] L’on pourrait objecter que les bombardiers en piqué Junkers 87 Stuka allemand, Aïchi D3A japonais et Douglas SBD Dauntless américain, qui tous signeront de leur griffe des événements majeurs comme la campagne de France, Pearl Harbour ou Midway, sont les pendants allemand, japonais et américain du Chtourmovik. Il n’en est rien. Si le Stuka et le Chtourmovik sont effectivement tous deux conçus pour attaquer des objectifs ennemis au sol, le Junkers 87 est, lui, un authentique bombardier, conçu pour larguer des bombes en piqué à l’exception de toute autre forme d’attaque. Par ailleurs, à la différence du « tank volant », il n’est pas spécifiquement conçu pour attaquer des objectifs tactiques comme des concentrations de troupes : il est également pensé pour bombarder objectifs urbains, industriels, des ouvrages d’art ou même des navires. Si les deux avions partagent une utilisation fréquemment tactique, directement sur le front, leurs concepts sont donc distincts. Pour l’heure, le Chtourmovik soviétique reste un avion sans équivalent : ni les forces françaises, ni les forces britanniques, ni les forces américaines, ni les forces japonaises, ni les forces italiennes ne travaillent sur de tels modèles. Quant aux D3A et au SBD, non seulement ils sont de stricts bombardiers en piqué tout comme le Stuka, mais ils sont de surcroît spécifiquement conçus pour s’en prendre à des navires ennemis.

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[8] La période des purges de masse orchestrées par Nikolaï Iéjov restera elle-même gravée dans le vocabulaire de l’homme de la rue sous le nom de Iéjovtchina. Iéjov sera lui-même arrêté au mois d’avril. A l’issue de dix mois passés derrière les barreaux, il sera jugé, condamné à mort et fusillé le lendemain.

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[9] A noter qu’il s’agit là d’un pari osé, voire téméraire pour une aviation qui n’a, jusqu’ici, pas songé au développement des équipements radio embarqués qui sont nécessaires aux équipages pour communiquer avec les forces au sol, et même… entre avions ! En effet, le premier plan quinquennal de 1929, lancé par Staline à l’époque de sa prise de pouvoir de fait, a mis l’accent sur le développement de l’aviation, des blindés, de l’artillerie, du génie, de l’arme parachutiste et sur la création ou la modernisation des matériels de ces armes. Or, l’un des grands absents historiques de ce premier plan quinquennal est l’industrie électronique – y compris la radio, donc. Sur ce dernier point, le second plan quinquennal de 1933 n’a pas corrigé  une virgule du premier. Au résultat, en termes de moyens de communication militaires, ces deux plans quinquennaux resteront l’un des péchés originels de l’Armée rouge de la future Grande Guerre patriotique – l’autre étant l’insuffisance du développement de l’industrie des camions.

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[10] L’industrie soviétique est encore jeune et elle doit tout inventer : le premier plan quinquennal n’est vieux que d’une décennie. Au résultat, aucun moteur assez puissant pour propulser le « tank volant » d’Iliouchine n’est alors disponible en quantité suffisante pour être éligible à la propulsion d’un avion destiné à être produit en grand nombre.

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[11] Au moment de la crise de Munich, Varsovie a adressé un ultimatum à la Tchécoslovaquie avant de se joindre – sur un strapontin, il est vrai – au démantèlement du pays.

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[12] Le couloir de Dantzig est le nom donné à la langue de territoire polonais – 150 kilomètres de long sur 100 de large - qui permet au territoire polonais de toucher la côte de la mer Baltique depuis le traité de Versailles signé vingt ans plus tôt entre les vainqueurs de la la Grande Guerre. De fait, ce couloir sépare l’Allemagne en deux : à l’est, il est bordé par la province allemande de Prusse-Orientale ; à l’ouest, par tout le reste du territoire allemand. Le tentacule polonais comprimé entre les deux masses géographiques allemandes voit soudain les feux de la rampe berlinoise se braquer sur lui – du moins officiellement, car Hitler a clarifié en privé : « il ne s’agit pas de Dantzig : il s’agit de conquérir notre espace vitale à l’Est » (voir Projet Rayak, Première partie, paragraphe BARBAROSSA et le Lebensraum).

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[13] L’affaire mongole éclate quatre mois plus tôt, soit bien avant le pacte, alors que Staline en est encore à tenter désespérément de tisser une alliance contre le Reich avec la France et le Royaume-Uni. L’apparition de toute une armée japonaise dans les steppes mongoles est ressenti par Moscou comme un coup d’épée dans le ventre de l’ambition russe historique d’entretenir une position stratégique sur la côte de l’océan Pacifique. En effet, le chemin de fer transsibérien, artère nourricière du grand port russe Pacifique de Vladivostok, passe à 100 kilomètres seulement de la frontière mongole. Toute l’affaire remonte à la fin du XIXe siècle, au début du règne du dernier tsar de toutes les Russies, Nicolas II.

 

A ce moment-là, alors que la Russie militarise sa côte Pacifique pour déboucher stratégiquement sur l’océan, l’expansionsime japonais déborde, via la Corée voisine de Vladivostok, sur les terres mêmes de l’empire chinois alors vacillant. Les deux zones d’influence, la japonaise et la russe, entrent en collision. Tokyo et Moscou en viennent aux mains et la guerre russo-japonaise de 1904-1905 est un affrontement terrible qui préfigure lugubrement les carnages de la Première Guerre mondiale. Dans ce choc, la furia japonaise finit par l’emporter – plus laborieusement qu’on ne le dit – sur le stoïcisme russe : la Russie, vaincue, est sortie du jeu politique d’Asie orientale. Dès lors, Tokyo y a les mains libres : en 1910, il annexe le voisin continental asiatique qui lui fait face, la Corée.

 

Au début des années 1930, alors que Moscou, qui en est encore à lancer son premier plan quinquennal, n’est toujours plus une menace, l’empire du Soleil levant, nourri d’appétits impérialistes démultiplés, va beaucoup plus loin : il envahit la province chinoise de Mandchourie qui jouxte la Corée - mais qui est six fois plus grande. Le Japon y fait main basse sur les plantureuses ressources naturelles qui lui font cruellement défaut, anémié qu’il est par la pandémie de protectionnisme commercial qu’a déclenché la Grande dépression de 1929. Quelques années plus tard, Moscou, qui a régénéré une musuculature militaire crédible à une vitesse fulgurante, réapparaît soudainement dans l’arène d’Asie orientale en signant une alliance militaire avec la République populaire de Mongolie extérieure.

 

A Tokyo, si l’on fronce les sourcils, on ne s’arrête pas en si bon chemin : l’année suivante, le Japon se lance cette fois à la conquête de toute la Chine (devenue entretemps une république). Face à la déferlante nipponne, le gouvernement de la République de Chine tend la main à ses plus puissants adversaires intérieurs, les révolutionnaires communistes chinois. L’Union soviétique, communiste elle aussi, saisit la balle au bond : elle ouvre à Pékin son aide militaire, tout particulièrement en matière d’aviation. Le message est clair : la Russie est de retour dans l’arène est-asiatique. A Tokyo, c’est la goutte d’eau qui fait déborder le vase.

 

L’armée japonaise du Kouantoung – celle qui a conquis la Mandchourie – décide de reconquérir l’initiative stratégique complète en Asie orientale. Elle lance l’une de ses armées vers l’ouest, lui fait franchir la frontière entre la Mandchourie et la Mongolie extérieure dans une offensive limitée qui, pense-t-on, devrait suffire à rétablir l’équilibre géopolitique est-asiatique. L’idée est de faire d’une pierre deux coups : lézarder l’agaçante alliance soviéto-mongole tout en étendant le spectre de la menace japonaise contre le précieux transsibérien. Staline prend l’affaire tout aussi au sérieux que Nicolas II en son temps. Se tournant vers l’Armée rouge, il lui demande de sortir de son chapeau, ou plus exactement des miettes de ce qui reste de son commandement après les purges, un général à la hauteur de l’enjeu. L’armée épluche les dossiers qui lui restent et en sort un profil de bon aloi, celui d’un dénommé Guéorgui Joukov, alors général de brigade. Si l’homme n’est tout de même pas n’importe qui puisqu’il est déjà l’adjoint du très stratégique disctrict militaire de Biélorussie, aux premières loges face au Reich menaçant, il reste un parfait inconnu en-dehors des cercles des forces armées. Quoi qu’il en soit, le voilà parachuté sur le front mongol. Or, il se trouve que le général soviétique est un adepte inconditionnel du combat interarmes et des opérations en profondeur tels que définis dans les années 1920 et 1930 par des pionniers soviétiques comme le général Mikhaïl Frounzé et le Maréchal Mikhaïl Toukhatchevski. En conséquence, arrivé sur place, Joukov joue énergiquement la carte de la coopération infanterie-artillerie-chars-avions. Dans les cieux immaculés des plaines mongoles, l’affaire s’engage mal : la chasse soviétique tombe dans les rêts mortels du combat tournoyant dans lequel les pilotes Japonais excellent. Les pilotes de chasse soviétiques, assimilant la leçon, basculent alors en mode hit and run : éviter le combat tournoyant, chercher à se positionner en altitude puis, de là, tomber sur les chasseurs ennemis en une seule passe en faisant feu de tout leur armement, plus puissant que celui des chasseurs japonais, avant de tirer parti de l’énergie cinétique accumulée pour dégager comme des loups. Même si les pertes soviétiques demeurent supérieures à celles de l’aviation japonaise – les pilotes japonais sont des virtuoses - le différentiel des pertes baisse jusqu’à des proportions qui ne permettent plus aux pilotes nippons de compenser la supériorité numérique soviétique par leur maestria. Les VVS imposent ainsi une guerre aérienne d’attrition aux as nippons, dont le savoir-faire s’avère impuissant face aux lois de l’arithmétique. Au bilan, les aviateurs soviétiques obtiennent le résultat escompté : la supériorité aérienne dans le ciel mongol, nécessaire préalable au matraquage systématique de l’ennemi au sol depuis le ciel en collaboration avec les opérations menées par l’infanterie, l’artillerie et les blindés soviétiques. Dès lors, la coopération interarmes casse en miettes l’armée japonaise entrée en Mongolie par effraction. Joukov remporte la première grande victoire militaire russe depuis le tsar Alexandre II, et Staline n’oubliera plus son nom. Sur le terrain, le poids des bombardiers soviétiques utilisés en appui tactique au sol, « à la Joukov », a lui aussi été remarqué, et il confirme les leçons de Guadalajara au moment où, justement, Iliouchine est en train de mettre au point le tout premier avion d’assaut soviétique.

 

 

1939. Dans le ciel de la campagne de Khalkhin-Gol, au-dessus des plaines mongoles, un chasseur soviétique Polikarpov I-15 s’en prend à un chasseur japonais Kawasaki Ki-10.

 

Vue d’artiste d’un chasseur soviétique Polikarpov I-15 s’en prenant à un chasseur japonais Kawasaki Ki-10 au-dessus des plaines mongoles.

 

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[14] Au cours de cet hiver-là – le plus froid depuis un siècle - les températures chutent à -15 °C à Paris, -17 à Rennes, -18 à Lyon, -20 à Dijon, Nancy et Valenciennes, -22 à Clermont-Ferrand, -24 à Metz. Antibes est recouverte par le gel…

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[15] Staline, convaincu depuis plusieurs années de l’inéluctabilité de l’attaque nazie, s’évertue à créer préventivement un glacis stratégique terrestre – une zone tampon - qui calfeutrerait la frontière occidentale soviétique face à la Wehrmacht et à tous ses soutiens putatifs. Pour ce faire, il mène une série de campagnes militaires à objectifs limités. Le petit père des peuples a, en premier lieu, occupé tout l’est de la vaste Pologne du traité de Versailles, au-delà même des limites de la partie russophone qu’englobe le territoire polonais, pendant que la Wehrmacht attaquait le pays depuis l’ouest et le nord (voir La saga du Drang nach Osten polonais) ; puis il a mené l’exténuante guerre d’Hiver contre la Finlande, arrachant à Helsinki des concessions territoriales : au résultat, la frontière finlandaise, qui s’avançait avant-guerre jusqu’aux faubourgs mêmes de Leningrad – deuxième centre économique de Russie puis d’Union soviétique - a été écartée de la ville d’une centaine de kilomètres vers le nord. Staline a encore dans ses cartons des plans d’occupation des pays Baltes et des régions roumaines de Bessarabie et de Bucovine du Nord. Ceux-ci se concrétiseront et, au bilan, le Géorgien parviendra à mettre en place sa zone tampon qui longera, en deux morceaux distincts, un peu moins de 1000 kilomètres de frontière occidentale soviétique, sur une profondeur moyenne de quelque 150 kilomètres.

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[16] La guerre d’Hiver a révélé au grand jour les tares d’une Armée rouge pourtant pléthorique et surarmée : depuis le coup d’envoi des grands plans quinquennaux dix ans plus tôt, la course effrénée à la modernisation et à la croissance numérique galopante a laissé sur place derrière elle le niveau de compétence, qui a rarement suivi le rythme. L’Union soviétique, héritière de l’empire russe, est encore au trois quarts rurale, et sa population vit très majoritairement  dans une galaxie sans fin de villages qui n’ont jamais vu l’électricité, le téléphone ni même, souvent, la moindre route digne de ce nom - ne serait-ce que pour les chevaux et les chariots. Un tel univers est bien à la peine pour fournir la pléthore de spécialistes et d’officiers qu’exige une armée de vingt mille chars et de vingt mille avions. L’incurie des cadres a été portée à son paroxysme par la purge de 1937-1938, qui a fait sauter les plus talentueux d’entre eux pour les remplacer, par appel d’air, par des nouveaux venus souvent sans expérience voire sans valeur tout court. La pagaille logistique, l’indigence des communications radio ont achevé de transformer la victoire militaire de Finlande en un spectacle affligeant.

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[17] A noter que la sous-motorisation du Chtourmovik compromet non seulement sa vitesse pure en vol horizontal, mais aussi sa vitesse ascensionnelle : il grimpe lentement et ne prend de l’altitude que poussivement. A ces deux défauts s’en ajoutent d’autres. Pour commencer, il est lourd, puissamment armé et consomme donc beaucoup d’essence. Son rayon d’action s’en ressent : il est trop court, même pour un avion destiné à opérer directement au front. Cerise sur le gâteau qui, elle, a échappé aux VVS, tout commee elle échappe pathologiquement à toute l’Armée rouge (et pas seulement elle, cf. Munich 1938) : Iliouchine n’a pas prévu que l’avion – déjà assez lourd comme cela - embarque… une radio : au-dessus du champ de bataille, les avions d’assaut soviétiques seront sourds-muets, ce qui tronquera gravement leur efficacité.

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[18] L’ancienne capitale des tsars, Saint-Pétersbourg, est située à une latitude plus élevée que les côtes septentrionales de l’Ecosse. En conséquence, si, en hiver, les nuits y sont longues et les journées très courtes, en été, c’est l’inverse : chaque année, entre les derniers jours de mai et les premiers jours de juillet, la nuit ne tombe jamais totalement sur la ville. C’est l’origine de l’expression « les nuits blanches de Saint-Pétersbourg ».

 

 

Saint-Pétersbourg vers minuit au mois de juin.

 

Saint-Pétersbourg vers minuit au mois de juin.

 

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[19] Staline sera ainsi l’un des premiers à jeter la pierre aux armées alliées – française en particulier – et à les accuser de n’avoir mené qu’une timide guerre « syndicale » face à des forces allemandes qui les ont « submergée par [leur] force blindée », comme l’analyse en une demi-ligne de texte un manuel scolaire français d’histoire de classe de Terminale publié en 2020. Sans s’apensantir sur les faits que les armées alliées disposaient en réalité de plus de véhicules blindés que la Wehrmacht, et que les plus puissants chars de combat de la campagne étaient français et pas allemands – là n’est pas le sujet – rappelons que pour la Wehrmacht, la campagne de France n’a pas été qu’un exercice de style. Afin de relativiser sans parti pris gaulois le jugement expéditif de Staline en particulier et les images d’Epinal en général, nous laisserons exclusivement la parole à des officiers allemands ayant participé à la campagne.

 

Le général Friedrich Dollman, commandant de la 7e armée allemande – qui affrontera les Alliés en Normandie en 1944 - mettra pour sa part en avant « la belle attitude des troupes françaises et l’admirable résistance opposée à ses unités » lors de la campagne. Le général Herbert Loch, alors commandant la 17e division d’infanterie allemande et futur vétéran blanchi sous le harnois du front de l’Est : « Les Français se sont défendus avec vaillance, même lorsqu’il n’y avait plus aucune issue pour eux ». La percée des panzers dans les Ardennes n’a pas érodé la résistance des défenseurs. Du 29 mai, le lieutenant-colonel Wolf se souvient : « les pertes des Bavarois étaient épouvantables. Presque tous leurs officiers étaient morts, des compagnies entières n’avaient plus un seul lieutenant et plus de la moitié de leurs sous-officiers manquaient ». A propos de la même journée du 29 mai, l’aspirant Franz Arsan du 217e régiment d’infanterie allemand commente : « C’était affreux. Nous éprouvions des pertes énormes. Pas seulement à cause des obus, mais à cause des chars : ils massacraient nos camarades demeurés en ligne… On voyait les engins « danser » sur les trous pour écraser ceux qui y étaient demeurés »… Même après que la Wehrmacht ait percé le front de la Somme début juin, le général Eugen von Schobert, alors commandant le VIIe corps d’armée allemand et futur commandant de la 11e armée pendant BARBAROSSA : « Après l’usure des combats sans relève de mai-juin dans les Ardennes, après huit nuits de retraites effectuées dans les pires conditions, je ne croyais pas les Français capables d’une telle résistance ». Le 9 juin, le général Fedor von Bock, commandant le groupe d’armées B et futur commandant du groupe d’armées Centre sur le front de l’Est, note : « Dures journées avec de nombreuses crises […] Il est remarquable que les 16e et 24e divisions françaises d’infanterie […] aient pu bloquer tout un corps blindé pendant cinq jours ». De son côté, le général Albrecht Schubert, commandant le XXIIIe corps d’armée, commente les journées des 9 et 10 juin : « La 14e division d’infanterie [française] s’est battue d’une manière identique aux meilleures unités françaises de 1914-18 devant Verdun ». Quatre jours plus tard, sur le front de la Moselle, le général Erwin von Witzleben écrit : « plutôt que d’en arriver à un second Verdun, il est préférable d’interrompre l’attaque ». Même après l’allocution du Maréchal Philippe Pétain du 17 juin appellant à « cesser le combat », le journal de marche de la 60e division d’infanterie allemande en date du 18 juin note: « L’attaque d’un autre bataillon ne permet pas de poursuivre l’avance en raison de la supériorité du feu ennemi […] Des éléments avancés […] doivent être repliés avec des pertes, du fait d’une contre-attaque française […]. La mission ne peut être remplie en raison d’une forte défense ennemie […]. Nouvelles pertes […]. Un de nos régiments […] est bloqué […]. Les Français continuent à se battre dans la forêt ; de ce fait, nos pertes sont élevées ». Huit mois après la campagne, le journal allemand Deutsche Allgemeine Zeitung rappelle la campagne de France en ces termes « Malgré la vigueur des attaques, les défenseurs [français] appuyés par un tonnerre d’artillerie, n’ont cédé le terrain que pas à pas et une contre-attaque avec des chars qui vomissaient la mort a obligé nos troupes à reculer […]. Malgré nos violentes attaques, nous n’avons pas pu enfoncer la solide division française qui ne s’est repliée que lorsque le front fut percé plus à l’ouest ». Nous laisserons le mot de la fin au colonel Paul Wagner, commandant le 79e régiment d’infanterie allemand à la bataille de Stonne du 15 au 17 mai : « Il y a trois batailles que je n'oublierai jamais : Stonne, Stalingrad et Monte Cassino ».

 

 

Saisi sur le vif pendant la campagne de France en 1940 : des artilleurs français chargent un obus dans une pièce d’artillerie lourde le 29 mai.

 

Des artilleurs français chargent un obus dans une pièce d’artillerie lourde le 29 mai.

 

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[20] Rappelons que, de surcroît, l’aviation de bombardement stratégique qu’incarne le bombardier à long rayon d’action Iliouchine DB-3 est l’un des piliers de la stratégie des VVS jusqu’à ce qu’en janvier 1939, elle soit dépriorisée au profit de l’aviation tactique, archétypalement incarnée par le Chtourmovik.

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[21] Le portrait du Maréchal Kliment Vorochilov est entré dans l’Histoire comme une allégorie à l’incompétence. Vorochilov est un bolchevik ukrainien de la première heure et l’un des plus vieux compagnons de Staline. C’est un vétéran de la révolution et de la guerre civile au cours desquelles, imperméable au doute et à la faiblesse, il a fait preuve d’une rare collection de qualités : chef courageux, énergique, dynamique et d’une surprenante réactivité, organisateur efficace et apprécié, politique habile enfin. Mais, happé par les événements vers des responsabilités militaires plus élevées, son style de commandement intuitif, voire instinctif s’est vite avéré contre-productif et l’a mené à des échecs à répétition qui l’ont vite poussé sur le côté de la route. Il est sauvé par son vieux compagnon, Staline, qui fait finalement de lui un pion politique propulsé ministre de la Défense. A ce poste, si Vorochilov fait preuve d’une lucidité d’ensemble sainement dépourvue de dogmatisme politique, il s’avère incapable d’appréhender la complexité des questions militaires et s’en désintéresse rapidement, se glissant progressivement dans la stature de colosse empâté et de plus en plus dilettante du bolchévisme. En 1939, Staline commet l’erreur monumentale de lui confier les rênes de la guerre d’Hiver, dont les déboires éclaboussent l’Armée rouge et sonnent l’heure de la mise au garage progressive du ministre. Le scénario d’un Vorochilov se saisissant du dossier technique du Chtourmovik pour le redresser n’est donc pas une hypothèse crédible. 

 

 

Joseph Staline et Kliment Vorochilov en 1937

 

Kliment Vorochilov (à gauche) et Staline en 1937

 

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[22] Le scénario de l’hiver 1939-1940 se reproduit, en à peine moins rigoureux : Marseille est sous la neige, Lyon connaît des températures qui descendent jusqu’à 19 degrés en-dessous de zéro. A Paris, par contre, il fait encore plus froid qu’à l’hiver précédent : jusqu’à -20.

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[23] … D’autant plus que ces jeunes pilotes sont légion. En effet, la jeune Armée rouge – fondée, on le rappelle, en 1918, soit seulement vingt ans plus tôt – est longtemps restée une armée d’infanterie et de cavalerie comme l’étaient les armées occidentales du début du XXe siècle. Ce n’est qu’à partir de 1928 – une dizaine d’années plus tôt – que le premier plan quinquennal, impulsé par Staline, a inauguré la modernisation à outrance de l’équipement des forces soviétiques, dans une dynamique qui s’appuie sur les réflexions menées par l’Armée rouge dans les années 1920 à la suite de la Première Guerre mondiale (voir la fiche thématique Profondeur, le sésame de la Seconde Guerre Mondiale). Les VVS, en particulier, ont bénéficié d’investissements hymalayens qui les ont entraînées dans un essor déchaîné – l’industrie soviétique produisant soudain, à elle seule, deux fois plus d’avions que le reste de la planète, après un alignement sur les méthodes américaines de production industrielle. Ce coup de revolver a donné le signal de départ à la formation de nuées d’aviateurs, avec pour résultat que les forces aériennes soviétiques, si elles sont pléthoriques, restent une arme encore juvénile et largement immature. En 1940, pour parvenir à pourvoir aux besoins des VVS, le temps de formation des pilotes a été… divisé par deux.

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