La genèse de l’opération KHARKOV de 1942 :
l’opération BARVIENKOVO-LOZOVAÏA, le coup de dés hivernal de Timochenko et de Bagramian
En janvier 1942, dans l’ombre de la contre-offensive Staline face à Moscou, l'Armée rouge remporte une victoire discrète mais dont les conséquence ultérieures seront énormes.
A sept cents kilomètres au sud de Moscou, au moment où la contre-offensive avait encore le vent en poupe, Timochenko et Bagramian lancent, de leur côté, deux Fronts [1] contigus dans une attaque limitée, mais aussi violente que totalement inattendue par l’ennemi, le long d’une portion de cent kilomètres du front d’Ukraine orientale, resté silencieux depuis l’achèvement de l’offensive du groupe d’armées Sud allemand dans le Donbass en novembre 1941. L’idée de Bagramian était de tenter d’établir une tête de pont sur la rive occidentale de la rivière Doniets afin de disposer, ultérieurement, d’un tremplin pour une opération plus ambitieuse. En outre, le choix du lieu de la tête de pont présentait la plus-value de trancher net l’artère ferroviaire nord-sud stratégique du groupe d’armées Sud allemand en Ukraine orientale.
La vigueur et la surprise de l’attaque ont permis aux deux groupes d’armées soviétiques, le Front du Sud-Ouest et son voisin méridional, le Front du Sud, de transpercer le front allemand sur soixante-dix kilomètres de large et d’exploiter en direction du sud-ouest sur une profondeur de presque cent kilomètres. Le nouveau commandant du groupe d’armées Sud, le Maréchal Fedor von Bock, d’abord pris de court, a ensuite réagi et est parvenu à contenir l’opération BARVIENKOVO-LOZOVAÏA, mais seulement après que celle-ci ait effectivement établi une imposante tête de pont de 8.000 km2 - donc grande comme les départements français de la Côte-d’Or ou de la Marne – et coupé ladite voie de chemin de fer. Cette tête de pont est, depuis, connue sous le nom de « tête de pont de Barvienkovo », du nom de la petite ville cosaque qui en est à peu près au centre, ou encore de « saillant d’Izioum », du nom de la ville fluviale qui y donne accès depuis l’autre rive du Doniets.
Pour le public français, notons que le commandant de l’un des deux groupes d’armées victorieux, le Front du Sud, est le général Rodion Malinovksi, vétéran du front français pendant la Première Guerre mondiale où il a été décoré de la Croix de guerre.
Pierre Bacara
Pour en savoir plus : Kharkov 1942, le brelan fatal
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[1] Dans l’Armée rouge, le terme « front » possède deux sens strictement distincts l’un de l’autre. Le premier de ces sens est commun à toutes les armées : la ligne le long de laquelle les forces belligérantes se sont face. Le second signifie « groupe d’armées ». Les auteurs francophones lèvent l’ambiguïté en écrivant le mot avec une majuscule lorsqu’il est utilisé dans son sens organique de « groupe d’armées », et avec une minuscule dans son sens géographique de « ligne de contact ». C’est dans sa première signification que le terme est utilisé ici.