Le front sud le 1er mai 1942
Le front sud au 1er mai 1942, point de départ - bien bancal - de la grande offensive terrestre du Reich de l'année 1942, l'opération BLAU ("bleue"), qui ambitionne de conquérir le Caucase et d'engranger son pétrole pour nourrir la guerre devenue longue depuis l'échec de l'opération BARBAROSSA en 1941. Dans un premier temps, ouvrir la porte du Caucase impose de reconquérir la partie du Donbass que l'Armée rouge a libérée en 1941. Dans un second temps, la conquête du Caucase impose de calfeutrer le flanc gauche (flanc nord) de l'opération BLAU par la conquête de la grande boucle du Don et, dans la foulée, de l'isthme Don-Volga.
Le plan d'ensemble est bel et bon mais sa ligne de départ n'y est pas du tout propice : il est impossible au Maréchal Fedor von Bock, commandant du groupe d'armées Sud allemand, de lancer BLAU sans avoir, au préalable, détruit le saillant soviétique d'Izioum.
Premiers jours du mois de mars 1942.
Hitler a tranché sur l'axe stratégique des grandes opérations terrestres du Reich pour l'année qui s'annonce : le Donbass, le Caucase, le Kouban et, implicitement et par nécessité - pour calfeutrer ses flancs - la grand boucle du Don et l'isthme Don-Volga. Ces ambitieuses manoeuvres constituent un chantier des plus pharaoniques, le plan BLAU ("Bleu").
En conséquence de ces grands choix, les généraux allemands du front sud inaugurent leurs réflexions tactiques et le commandant du groupe d’armées Sud, le Maréchal Fedor von Bock, se penche sur les cartes ; et chaque fois qu'il s'y penche, son regard tombe immanquablement sur une zone qui lui saute aux yeux comme une tache au milieu du visage : le saillant d’Izioum.
Pour l’homme qui présidera aux destinées du grand saut allemand de 1942, le saillant d’Izioum cumule tous les défauts. D’emblée, il est hors de questions de prendre son élan depuis des lignes de départ aussi bancales. Qui plus est, le saillant fait planer une menace directe, intolérable, sur Kharkov, la caverne d’Ali Baba logistique de tout le groupe d’armées Sud, voire même une menace sur les rives du fleuve Dniepr lui-même et, par rebond, sur la moitié du groupe d’armées Sud positionnée au nord des côtes maritimes – autrement dit rien moins que la moitié des armées pressenties pour BLAU. Cerise sur le gâteau, le saillant mord sur l’artère ferroviaire nord-sud à deux voies du groupe d’armées de Bock et la bloque. Les trains qui doivent transporter des marchandises de Kharkov vers le sud du Donbass doivent contourner le saillant par d’autres lignes mais celles-ci sont à voie unique. Les convois ferroviaires en sont donc réduits à s’embouteiller devant les têtes de lignes, à moins d’opérer un détour interminable par Kiev, soit plus de… mille kilomètres !
Quelle que soit la forme exacte que prendra le plan BLAU, celui-ci exige un préalable incontournable : la désintégration de ce maudit saillant d’Izioum.
Pierre Bacara
Pour en savoir plus : Kharkov 1942, le brelan fatal.
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